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François Molins l’ancien magistrat qui a redéfini le rôle de procureur-communicant

À l’invitation du Club de la presse Reims Champagne, François Molins a échangé sur son parcours et la justice antiterroriste avec près de 150 personnes à la faculté de droit de l’URCA. L’ex-procureur de Paris (2011-2018) est aussi revenu sur des sujets d’actualité judiciaire.

François Molins est revenu sur l’exercice sensible de la conférence de presse dans un contexte terroriste. En proie au stress, il s’était retrouvé seul face à des dizaines de journalistes quelques heures après des attentats comme Charlie Hebdo. « On est encore sous le choc, avec les images en tête. C’est un exercice très difficile. » Pour éviter tout dérapage, il met en place une communication rigoureuse, « le texte des conférences de presse sont écrits à la virgule près. » Un cadre strict pour les questions-réponses et une ligne claire : respecter la présomption d’innocence et la dignité des victimes. Évoquant un rapport prudent avec la presse, François Molins fustige les dérives de l’instantanéité médiatique, en proie à la course au buzz. Il prend en exemple les journalistes qui appellent Amedy Coulibaly lors de sa prise d’otages à l’Hyper Casher ou encore la diffusion d’informations erronées lors de la traque des frères Kouachi. Afin de maîtriser la communication dans le cadre d’affaires aussi sensibles, François Molins explique avoir mis en place, avec son équipe, un “plan de crise”. Objectif : diffuser l’information d’abord aux agences de presse (AFP, AP, Reuters) puis aux chaînes d’information en continu, perçu comme les plus sensibles aux dérapages, puis aux médias nationaux. Considérant différement le journalisme d’investigation, qu’il juge utile, notamment dans les affaires politico-financières comme Cahuzac ou Bygmalion. Selon lui, ces enquêtes, lorsqu’elles sont solides, peuvent permettre d’ouvrir des poursuites et de faire condamner des responsables.

Le cas Merah, un tournant dans l’antiterrorisme

En matière de terrorisme, l’affaire Mohammed Merah, en 2012, a, selon l’ancien magistrat, révélé les failles du renseignement français. La DCRI, qui avait envisagé de faire de Merah un agent double, a ensuite disparu au profit de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure). Plusieurs années plus tard, d’autres enjeux ont émergé. Notamment la question du retour des enfants de djihadistes toujours détenus en Syrie, rappelant que la France, en ne les rapatriant pas, viole la Convention internationale des droits de l’enfant et prend un risque sécuritaire à long terme.

La menace du narcotrafic 

Enfin, François Molins a alerté sur les menaces réelles qui pèsent sur les magistrats qui traitent les affaires de narcotrafic. L’ancien procureur appelle à une anonymisation des décisions de justice pour leur protection. Dans un autre contexte, il appelle aussi à la prudence face aux annonces de projets portés par le Garde des Sceaux Gérald Darmanin qui souhaite la construction d’une “super-prison” à Cayenne, pour François Molins, c’est un peu le retour au bagne ». S’il soutient les quartiers de haute sécurité pour les trafiquants, il insiste néanmoins sur l’importance de respecter les droits de chacun.

La soirée s’est conclue par un enchaînement de questions-réponses entre François Molins et le public, avant une séance de dédicace de son livre Au nom du peuple français (Flammarion, 2024).